vendredi 27 février 2009

Un Viallat vous manque est tout est dépeuplé.

Que se passe-t-il lorsque je regarde un Viallat ? Ou plutôt, que se passe-t-il lorsque je regarde ce Viallat-ci, celui qui me fait face lorsque je travaille, celui qui s'expose à mon regard chaque minute de chaque heure passée derrière la banque de salle ? Que se passe-t-il ? Rien, pourrait-on croire. Et pourtant... Il était là bien avant que j'arrive et demeurera quand bien même je serai déjà partie. Je le retrouve chaque matin, l'air de rien, identique à lui-même, implacable dans le fixe et suspendu de la bibliothèque. Tout en mimant l'indifférence, je m'attache pourtant chaque jour à faire le constat inquiet de sa présence. Sans que je ne sache trop pourquoi, je me suis laissée fascinée par le tableau. L'harmonie presque classique du fond, ses lignes ascensionnelles, tendues comme une flèche, le contraste du rouge, du vert et du jaune, la rectitude verticale et colossale soudain brisée dans le temps synchronique par la répétition dynamique des "éponges" en de multiples diagonales. Autant de "raisons" à un sentiment esthétique qui m'affecte lorsque je contemple ce Viallat. Raisons nécessaires peut être mais en aucun cas suffisantes pour expliquer la genèse de ce lien affectif que l'observateur, bien malgré lui, tisse et renforce. Tout se passe comme si à l'exposition constante de l'oeuvre s'ajoutait la force de la répétition et que de cette répétition immuable, toujours reproduction fidèle, naissait une possible fascination. Le fait que se tableau ne me lasse pas vient peut être du fait que chaque regard qu'on lui porte est une reconstruction à part entière de l'oeuvre, sans que l'oeil subisse la déperdition de l'habitude. Car au fond c'est cela la capacité d'être fasciné : pouvoir porter un regard toujours neuf et étonné sur ce que l'on a déjà contempler des centaines de fois. La négation du sensible en trois lais de tissus et en 5mX10 est une respiration justement parce qu'elle ne fait référence à aucun ailleurs déjà éprouvé. D'un coup l'esprit se trouve libéré des projections mentales et des divagations de spectateur. La peinture redevient un fait en soi, un fait pictural simple, une libération pour l'esprit, l'espace de la découverte permanente, de la reconstruction du regard, par le regard.

Quotidien ordinaire

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